IN FOCUS Helen Frankenthaler
IN FOCUS Helen Frankenthaler

Dans le cadre de son projet Didaktika, le Musée conçoitdes espaces didactiques, des contenus numériques et des activités spécifiques qui complètent les expositions, offrant au public des outils et des ressources pour mieux apprécier les oeuvres exposées.

La rubrique "Le saviez-vous..." conçue pour cette présentation, propose un aperçu de la biographie et des contributions artistiques d’Helen Frankenthaler, artiste novatrice dont les techniques révolutionnaires et les innovations stylistiques ont transformé le paysage de l’abstraction. Tout au long de sa carrière, Frankenthaler s’est nourrie des liens créatifs et de l’amitié qu’elle entretien avec d’autres auteurs. Au contact des sculpteurs, elle assimile les concepts relatifs à l’espace et à la masse ; ses relations avec les peintres lui permettent de connaître les différentes approches du traitement de la couleur et de la forme.

IN FOCUS explore la manière dont le cercle intime de Frankenthaler est devenu un lieu de rencontre essentiel pour l’inspiration et l’expérimentation mutuelles, et met en lumière les liens personnels et les influences que l’on peut observer dans l’exposition. La chronologie sélectionnée marque les épisodes clé de la vie et de l’oeuvre de Frankenthaler, alors que l’audiovisuel, présenté dans l’espace éducatif de la salle 105, présente des images et des documents d’archives qui témoignent de la technique pionnière de Frankenthaler du « soak-stain » (tremper-tacher), ainsi que sa vision de la création artistique.

Jackson Pollock

INFLUENCE PERSONNEL
Frankenthaler est profondément fascinée par l'œuvre de Pollock qu’elle voit pour la première fois en 1950 à la Betty Parsons Gallery ; ce fut, d’après ses mots, un « superbe shock ». L'année suivante, elle visite l'atelier du peintre à Springs, Long Island, où elle voit de ses propres yeux le dynamisme de sa technique qui consiste à faire couler de la peinture sur la toile. Frankenthaler a su interpréter dans son propre langage la méthode radicale, physique et gestuelle de Pollock, qui l’inspire fortement.

INFLUENCE ARTISTIQUE
Frankenthaler admire la capacité de Pollock à créer des images mystérieuses. Ses méthodes l'ont aidée à se libérer des contraintes traditionnelles, et influenceront sa manière d’aborder l'échelle, le geste et la surface picturale. Elle retient plusieurs leçons de Pollock, comme le travail sur la toile sans apprêt posée à même le sol, mais elle trouve son propre méthode de faire couler de la peinture diluée sur de la toile de coton brut pour la tremper et la tacher, abandonne le châssis et peint sur de grandes toiles étalées sur le sol de son atelier. Alors que la peinture émail de Pollock avait tendance à rester en surface, Frankenthaler applique de la peinture diluée sur la toile, laissant que la couleur s’imprègne et créant ainsi des compositions délicatement poétiques.

Mark Rothko

INFLUENCE PERSONNEL
Au début des années 1960, Rothko exerce une grande influence sur Frankenthaler. Ils se sont rencontrés sur la scène artistique new-yorkaise. L'une des peintures de Rothko occupera une place de choix au-dessus de la cheminée de la maison que l'artiste partageait avec son premier mari, le peintre Robert Motherwell. Les toiles lumineuses de Rothko lui ouvrent les yeux sur une abstraction plus sobre. 

INFLUENCE ARTISTIQUE
Inspirée par la capacité de Rothko à créer un certain dramatisme spatial à travers des plans de couleur flottants, Frankenthaler confère à ses peintures une profondeur émotionnelle similaire, avec un air plus spontané et plus léger. Dans un tableau comme Cap (Provincetown) (1964), Frankenthaler s’inspire de l’art de Rothko qu’elle adapte à son style plastique.

Robert Motherwell

INFLUENCE PERSONNEL
Helen Frankenthaler et Robert Motherwell commencent à se fréquenter à la fin de l'année 1957, peu après que le peintre se soit séparé de sa seconde épouse. Ils se sont rencontrés dans leur cercle artistique et social, se sont mariés en 1958 ; leur mariage durera 13 ans.

La maison du couple, sur la rue East 94th, était fréquentée par les artistes et les intellectuels, qui y tenaient souvent des conversations animées, aussi bien autour de l'art que de la vie. Les étés passés à Provincetown, dans le Massachusetts, à Cape Cod, ont été marqués par des échanges aussi riches.

INFLUENCE ARTISTIQUE
Les étés et les voyages à l'étranger, qui commencent avec leur lune de miel en Espagne et en France, sont des périodes d’exploration artistique mutuelle pour les deux artistes. Inspirée par Motherwell, Frankenthaler expérimente le collage, tandis que lui, attiré par la technique de Frankenthaler consistant à tacher la toile de couleur, adoptera une approche plus empirique de la peinture. Cet échange créatif se reflète dans leurs œuvres, comme la série Suite lyrique (1965) de Motherwell ou les nombreux collages de Frankenthaler. Leur relation encourage la spontanéité de Motherwell et développe le sens de la structure compositionnelle de Frankenthaler.

Anthony Caro

INFLUENCE PERSONNEL
Dès la première rencontre entre Frankenthaler et Anthony Caro en 1959, lors du premier voyage du sculpteur britannique aux États-Unis, une longue amitié s’établit entre les deux. Caro admire le « goût impeccable », l'audace et le caractère novateur de Frankenthaler, et apprécie sa capacité à briser les frontières et les règles. En 1987, Frankenthaler passe quelque temps avec Caro au Taller Triangle de Barcelone, fondé, entre autres, par Caro pour permettre aux peintres et aux sculpteurs de se rencontrer, de collaborer et d'échanger des idées. Caro et son épouse, Sheila Girling, apprécient l'amitié et le talent de Frankenthaler. Selon Caro, l'artiste « s'est tout naturellement placée parmi les grands ».

INFLUENCE ARTISTIQUE
Au cours de l'été 1972, Frankenthaler passe deux semaines dans l'atelier londonien de Caro et y réalise des sculptures en acier. Et pour compléter cet échange créatif, en 1982 le sculpteur passe quelque temps à peindre dans l'atelier new-yorkais de Frankenthaler.

David Smith

INFLUENCE PERSONNEL
Helen Frankenthaler et David Smith se sont rencontrés au début des années 1950 par l'intermédiaire du critique Clement Greenberg. En 1951, elle acquiert le Portrait du fauconnier (1948–49) de Smith. Leur amitié s'est intensifiée après le mariage de Frankenthaler avec Robert Motherwell. Smith leur rendait fréquemment visite à leur domicile de la rue East 94th, il a même eu une copie de la clé. Ils entretenaient une relation empreinte d'humour, d'affection et d'admiration mutuelle, comme en témoignent leur correspondance attachante et les photos qu'ils ont prises lorsqu'ils étaient ensemble à Cape Cod. Smith respectait Frankenthaler pour son originalité précoce. Après avoir vu son tableau au Whitney Museum of American Art, il lui a écrit une lettre pour lui dire que cette toile était « bien en avance sur les autres ». La mort prématurée de Smith a été une grande perte pour son cercle d'amis et a laissé un grand vide tant sur le plan artistique que personnel.

INFLUENCE ARTISTIQUE
Bien que Smith soit sculpteur et Frankenthaler peintre, tous deux partagent la même approche : la pratique de l’art « sans règles ». Smith considérait la sculpture comme un « dessin dans l'espace », ce qui amena Frankenthaler à regarder ses propres peintures d'un œil différent. En 1960, elle intitule l'une de ses toiles en hommage à l'atelier de Smith à Bolton Landing. Cette peinture reflète son engagement en faveur de l'expansion spatiale et une vision de l'abstraction spontanée et ludique, axée sur la démarche en elle-même.

Kenneth Noland

INFLUENCE PERSONNEL
La première rencontre de Kenneth Noland avec l'œuvre de Frankenthaler en 1953 constitue un tournant dans sa carrière artistique. Aux côtés de Clement Greenberg et Morris Louis, peintre lui aussi, Noland visite l'atelier de Frankenthaler à New York, où il voit Montagnes et mer (1952), exécuté selon la technique du soak stain (tremper-tacher), qui marque un changement de cap dans le chemin du peintre vers l'abstraction. Fasciné par cette œuvre, il retourne à Washington et commence à simplifier le dramatisme gestuel de l'expressionnisme abstrait.

INFLUENCE ARTISTIQUE
Ce changement de direction donnera lieu à la série révolutionnaire Diana de Noland, formée de peintures de cercles concentriques colorés qui tachent la toile. L'exemple de Frankenthaler ouvre de nouvelles voies pour Noland, qui développera son propre langage plastique et apportera sa contribution à la peinture des champs de couleur.

Morris Louis

INFLUENCE PERSONNEL
Morris Louis admirait Helen Frankenthaler et considérait que sa pratique innovante a été « le pont entre Pollock et ce qui était possible ». D’après lui, Frankenthaler avait poussé l'abstraction au-delà de la gestuelle implacable de Pollock, vers un monde de couleurs et un espace d'une plus grande légèreté.

INFLUENCE ARTISTIQUE
Dans Montagnes et mer (1952), Louis observe l'utilisation par Frankenthaler de la technique qui consistait à tremper et tacher la toile par un geste spontané. Inspiré par cette démarche, il retourne à son atelier et commence à expérimenter avec des toiles sans apprêt ; c’est ainsi qu’il crée ses séries Voiles et Floral. Les innovations de Frankenthaler l’ont guidé vers une abstraction plus poétique et immersive.